Nicolas Sarkozy a déprécié la parole politique
15 mai 2009
Invitée à Athènes à la conférence sur l’avenir des gauches en Europe, Ségolène Royal a accordé une interview au quotidien espagnol El País.
« Nicolas Sarkozy a
déprécié la parole politique »
Interview de Ségolène Royal, ancienne candidate à l'élection présidentielle du PS français - depuis Athènes.
Le socialisme français, miné par des luttes intestines et menacé
par la progression des mouvements anticapitalistes, connaît l'un de ses
moments les plus difficiles. Ségolène Royal, 55 ans, est la plus
populaire des personnalités politiques, même si elle a chuté de façon
spectaculaire dans les sondages depuis quelques mois. L'ancienne
candidate à la présidence et candidate potentielle pour les élections
de 2012, a déclaré dans une interview à Athènes, hier, que la gauche
européenne devait avoir un projet solide pour les citoyens européens.
"Nous devons propager l’idée que d'autres politiques sont possibles en
dehors de celles de la droite", dit-elle.
Lorsqu'on l’a lui a demandé son avis sur le rôle de première dame
de France de Carla Bruni, elle a répondu qu'elle ne parle que de
politique. Royal, qui a échoué dans sa tentative de devenir le premier
secrétaire du Parti socialiste en novembre dernier, a participé à la
soirée du Congrès international sur la Gauche dans la capitale grecque,
organisé par le quotidien grec To Vima et El Païs.
El País : Quelle est la situation politique en Europe?
Ségolène Royal : "C’est très paradoxal. Les idées de gauche, le
socialisme, sont dominantes à l'heure actuelle. L'intervention de
l'État, l'exigence de règles, la demande de protection et de justice
sociale, la recherche de l’investissement éthique, la demande d’un
retour sur la fiscalité... Mais c’est la droite qui est le plus souvent
au pouvoir en Europe. Les valeurs de la gauche correspondent au cœur
des peuples de l'Europe et nous devons tenter de transformer ces
paroles en action, parce que la droite veut reprendre ces mots, mais
maintient sa politique traditionnelle."
EP : Quel est le problème de la gauche, qui fait qu’elle est minoritaire en Europe?
SR : "La social-démocratie doit avoir un projet européen, à
l'avant-garde en matière d’initiatives économiques, doit démontrer que
d'autres politiques sont possibles en dehors celles de la droite, et en
particulier dans le contexte actuel, la gauche devrait lancer des
propositions concrètes pour une véritable gouvernance de l'Union
européenne. Aujourd'hui, il y a des problèmes de gouvernance de la zone
euro. Nous ne voyons pas de réponses suffisamment fortes et
convergentes, en particulier en matière de règles pour les banques et
en ce qui concerne les plans de relance économique."
EP: Le Parti socialiste français, en revanche, est plus
divisé que jamais, et certains disent que vous allez trop loin. Est-ce
que cela peut nuire à la prochaine élection présidentielle?
SR : "Ce sont des primaires qui permettront de désigner le
candidat à la présidence. Je ne sais pas ce qui va se passer, je ne
peux pas le deviner. Pendant ce temps, il nous faut travailler, faire
un projet de gauche pour contrer les politiques désastreuses de
Sarkozy."
EP : Cela fait 2 ans que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir. Pourquoi la situation est si mauvaise, à votre avis?
SR : Il n'a pas tenu ses principales promesses. Il a dit que les
Français allaient travailler plus pour gagner plus, mais il y a plus de
chômage, les pauvres sont plus pauvres, les classes moyennes perdent du
pouvoir d'achat, et il y a des problèmes dans les universités et les
hôpitaux publics. Il y a deux problèmes particulièrement graves: la
parole politique est dépréciée et il y a de grands conflits sociaux.
EP : Dans quelques semaines auront lieu les élections
européennes, mais il est prévu que la participation soit très faible.
Qu'espère la gauche de cette élection?
SR :
"Par-dessus tout, j'espère qu’il y aura beaucoup de participation.
L'Europe doit expliquer les avantages qu’il y a à être unis, plus de
solidarité, une meilleure protection face à la crise économique. L’Europe est une victoire trop abstraite et en fait si proche."
EP : Après les premiers 100 jours au pouvoir de Barack Obama, êtes-vous toujours un de ses fervents soutiens?
SR : "Bien sûr. Il a permis au peuple américain de se
réconcilier avec lui-même. Il se pose en médiateur devant la communauté
internationale et fait face avec détermination à la crise économique."
(Source:
El Païs)