Un président européen fort
: La Tribune.fr - 10/11/2009 |
Êtes-vous en faveur d'un président du Conseil européen fort ou plutôt d'un organisateur ? Dans un premier temps, il est évident que sa fonction sera
d'organiser une nouvelle donne. Mais rapidement, il faudra qu'il
incarne tout un continent avec charisme si l'on ne veut pas qu'à peine
créé, ce rôle soit disqualifié. Le casting se déroule ces jours-ci et on se dirige vers
quatre hommes aux quatre postes clés à Bruxelles. Faudrait-il une femme
à la tête du Conseil ? Il est encore temps pour faire aussi émerger des femmes dans ce
monde très masculin des institutions européennes. Une femme ou un
homme... ce qui compte, c'est sa conviction pour faire avancer l'Europe
et sa compétence. Il ou elle doit bénéficier de la confiance des chefs
d'État et de gouvernement et donner une visibilité à l'Europe par son
action et par sa parole. Il règne une certaine opacité autour de cette désignation. Quelqu'un de fort peut-il émerger de cette façon ? Effectivement, c'est l'impression que cela donne mais il est évident
que quelqu'un de bien peut émerger. Il faut le souhaiter. À terme,
c'est au suffrage universel que devra être désigné le président de
l'Europe. Et cela n'enlèvera rien, contrairement à ce que l'on entend,
à la légitimité des chefs des États-nations. L'Europe est-elle assez ambitieuse politiquement selon vous ? Je redis ici ma conviction : il faut aller beaucoup plus loin vers
les États-Unis d'Europe. Il faut réaliser le rêve de Victor Hugo. J'ai
la conviction que la crise sans précédent que nous traversons nous
oblige à redéfinir une Europe à visage humain qui nous rende plus fort
à l'échelle de la planète. La chute du mur de Berlin fut une étape
décisive pour la réunification de l'Europe. C'est cette histoire qu'il
faut maintenant accélérer en engageant un processus pour créer les
États-Unis d'Europe. Croyez-vous que Nicolas Sarkozy veuille d'un président fort à Bruxelles ? S'il craint qu'un président fort à Bruxelles lui fasse de l'ombre,
il a tort. C'est parce que l'Europe sera plus forte que chaque pays
d'Europe le sera. L'histoire à écrire est plus grande que nous et les
itinéraires personnels sont à mettre au service de cette histoire et
pas l'inverse. La gauche européenne a salué le travail de Nicolas Sarkozy durant la
présidence française de l'Union. Êtes-vous d'accord pour dire que le
chef de l'État a replacé la France au cœur de l'Europe ? Ce n'est pas lui qui a remis la France au cœur de l'Europe. La
France a toujours été au cœur de l'Europe depuis sa fondation, depuis
Jean Monnet. Et les présidents qui se sont succédé y ont contribué.
Nicolas Sarkozy n'a fait que maintenir cette position. Il aurait pu
faire beaucoup plus en étant notamment à l'offensive sur un problème
concret qui a créé beaucoup de malheurs économiques et sociaux en
Europe : celui des abus de la spéculation bancaire. Or, sur ce
sujet-là, il n'a rien fait ou presque et la France aurait pu, et peut
encore, être à l'offensive. Le gouvernement songe à créer un poste de ministre franco-allemand au mois de janvier. C'est une bonne idée ? Oui, c'est une bonne idée et d'ailleurs, c'est une proposition que
j'avais faite lors de la campagne présidentielle : celle de créer un
ministère commun franco-allemand du Développement économique. Avec le traité de Lisbonne, la France va disposer de deux
eurodéputés supplémentaires à Strasbourg. Mais contrairement à beaucoup
d'autres pays européens, aucune décision n'a été prise avant les
élections européennes sur leur mode de désignation. Qu'en pensez-vous ? C'est très étrange ! C'est un raté institutionnel qui en dit long
sur le peu de considération que le gouvernement actuel porte au
Parlement européen.